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Ne lancez pas les dés : le besoin du Canada d’uniformiser les règles du jeu pour les fondateur.trice.s LGBT+

October 6, 2022

Par : Darrell Schuurman, PDG, CGLCC et Kayla Isabelle, PDG, Startup Canada

Imaginez ceci. Une partie de Monopoly se déroule depuis trois jours et on vous demande de vous y joindre. Par le passé, vous n’avez pas été invité à beaucoup de parties, alors vous êtes ravi de l’occasion – bien sûr, vous allez vous joindre à la partie! Mais après un court laps de temps, vous vous rendez compte que toutes les propriétés ont déjà été achetées et vendues, que toutes les ressources ont été distribuées et que vous ne partez de rien. Comment pouvez-vous gagner? Vous ne pouvez pas.

Eh bien, vous ne pouvez pas le faire à moins que quelqu’un change les règles, donne à chaque nouveau et nouvelle joueur.euse quelques tours de plus ou retire certaines ressources aux personnes qui jouent depuis le début. Telle est la réalité pour les entrepreneur.e.s LGBT+ et les autres entrepreneur.e.s marginalisé.e.s au Canada. Bien que les circonstances se soient améliorées au fil des ans – et il faut s’en réjouir – la disparité entre les personnes qui jouent depuis le début et celles qui viennent de se joindre à la partie existe toujours.

Les entrepreneur.e.s LGBT+ au Canada font face à des obstacles importants pour réussir, même en 2022. Si les choses ont évolué dans le bon sens, les problèmes persistent. La discrimination historique à l’égard des personnes LGBT+ n’est pas du passé, et elle n’existe pas non plus en vase clos par rapport à d’autres axes d’oppression et de marginalisation – les obstacles auxquels bon nombre de fondateur.trice.s LGBT+ font face aujourd’hui sont le résultat d’inégalités systémiques et structurelles permanentes. Comme dans une partie de Monopoly injuste, beaucoup de membres de la communauté – et des organisations qui travaillent pour les soutenir – ont dû se concentrer sur la survie plutôt que la prospérité pendant beaucoup trop longtemps.

Le manque évident d’outils, de programmes et de ressources adaptés et accessibles aux entrepreneur.e.s LGBT+ ne fait qu’exacerber ces obstacles et, par conséquent, les inégalités perdurent. Les intervenants des secteurs public et privé disposant des ressources humaines et financières nécessaires pour favoriser la recherche, le développement, la mise en œuvre et la circulation de ces ressources vitales doivent se mobiliser, et de toute urgence.

Notre expérience personnelle

La CGLCC et Startup Canada ont récemment constaté par expérience cette lacune en tentant de créer un guide de ressources complet pour les entrepreneur.e.s LGBT+ au début du mois de la Fierté. Sur plus de 15 organisations de soutien qui ont communiqué avec nous, tous ont vu la valeur de l’initiative, mais seulement trois ont été en mesure de soumettre des ressources. Il y a un problème sérieux et révélateur : 80 % de ces organisations n’avaient aucune ressource à diffuser, ou celles qui en avaient n’avaient pratiquement aucune capacité à s’impliquer. Il faut préciser que ces réalités ne sont aucunement la faute de ces entités de soutien spécialisées. En dépit d’obstacles extrêmes sur le plan des capacités, de manque de personnel et de financement, elles mettent les bouchées doubles pour tirer parti des ressources (financières et humaines) dont elles disposent, afin d’avoir une incidence réelle et positive sur leurs communautés. Cette communauté d’organisations mal desservies, et ceux qu’elles représentent, devraient se concentrer sur leurs mandats, et non pas avoir à dépenser leur temps et leur énergie précieux à se battre pour être reconnus comme vitaux et dignes d’un soutien extérieur.

Il existe dans tout le pays des organisations spécialisées dans le soutien aux personnes LGBT+, qu’il s’agisse d’aide aux fondateur.trice.s ou d’autres types de soutien, qui font un travail incroyable pour défendre les droits des personnes LGBT+. Ces organisations et les personnes qui composent leurs équipes travaillent chaque jour sans relâche à leur mission de soutien aux communautés LGBT+. Malheureusement, ces organisations jouent souvent à la même partie de Monopoly que les communautés qu’elles servent.

Discrimination historique

Historiquement, le Canada s’est présenté comme un pays amical et tolérant. Bien sûr, les Canadiens le sont à bien des égards – nous aimons ouvrir les portes aux autres et nous nous excusons… souvent. Mais pour de nombreuses communautés sous-représentées et marginalisées – nations autochtones, minorités visibles, personnes handicapées – le Canada est un lieu de méfiance et de promesses non tenues.

Dans le cas des communautés LGBT+, cela est également vrai. En effet, elles ont été souvent fait l’objet de discrimination au courant de l’histoire, notamment :

  • Jusqu’en 1990, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) classait l’homosexualité comme un trouble de santé mentale.
  • Jusqu’en 1996, avec l’adoption du projet de loi C-33, l’orientation sexuelle n’était pas un motif de discrimination interdit par la Loi canadienne sur les droits de la personne.
  • Jusqu’en 1992, il était illégal pour les personnes 2ELGBTQ+ de servir dans l’armée.
  • Jusqu’en 2005, le mariage homosexuel était illégal au Canada. Le gouvernement conservateur a tenté de revenir sur cette décision en 2006.
  • Jusqu’en 2017, l’identité et l’expression sexuelles ne faisaient pas partie des motifs de discrimination interdits par la Loi canadienne sur les droits de la personne.
  • Jusqu’en 2019, l’OMS a considéré que les personnes transgenres souffraient d’une maladie mentale, appelée « dysphorie de genre ».
  • Jusqu’en 2021, la thérapie de conversion était une pratique légale au Canada.

Tout comme le jeu du Monopoly injuste, ces actions et inactions ont entraîné des disparités et des désavantages importants pour les personnes LGBT+ aujourd’hui, y compris des taux largement disproportionnés d’itinérance chez les jeunes, des disparités de revenus, ainsi qu’une probabilité plus élevée de problèmes de santé mentale et d’insécurité alimentaire. Bien qu’une plus grande partie de la population s’identifie comme LGBT+, ce qui indique un sentiment sociétal plus inclusif et acceptant, les crimes haineux à l’encontre de ces communautés sont également en hausse, avec une augmentation de 41 % entre 2009 et 2019. Bien qu’il s’agisse des réalités auxquelles toutes les communautés LGBT+ sont confrontées, il est important de reconnaître également que ces inégalités sont souvent aggravées chez les minorités visibles, les personnes handicapées et les autres groupes marginalisés.

Les inégalités systémiques et la discrimination structurelle bien ancrée ne créent pas un terrain de jeu égal – pour bon nombre de fondateur.trice.s LGBT+, l’inaccessibilité aux ressources, au mentorat et aux modèles à suivre joue un rôle dans les chances de réussite à long terme. Ces conditions ont également des retombées sur les organisations de soutien qui existent pour aider les entrepreneur.e.s LGBT+. Dans une société qui nous a activement dévalorisés en tant qu’êtres humains et exclus de ses institutions, il n’est pas étonnant que nous soyons toujours en train de rattraper notre retard sur le chemin de la véritable égalité.

Création d’entreprises et soutien aux entreprises détenues par des personnes 2ELGBTQ+

Selon une étude de Deloitte de mai 2021, commandée par la CGLCC, 62 % des personnes interrogées ont choisi de ne pas divulguer leur identité LGBT+ dans les communications officielles de leur entreprise. De plus, 57 % des personnes interrogées ont, au moins une fois, consciemment caché leur statut de propriétaire LGBT+, tandis que 12 % ont déclaré l’avoir fait, mais pas consciemment. Malheureusement, ces craintes ne sont pas sans fondement. Selon la CGLCC, plus d’un tiers des entrepreneur.e.s LGBT+ ont perdu des occasions en raison de leur appartenance à ces communautés.

Il est intéressant de noter que l’étude a également révélé que la plupart des entreprises interrogées sont classées dans la catégorie des petites entreprises et qu’on ne s’attend pas à ce qu’elles se développent autant ou aussi rapidement que les autres entreprises qui ne sont pas détenues par des personnes LGBT+. En fait, 37 % des personnes interrogées ont indiqué qu’elles étaient incertaines quant à l’avenir de leur entreprise et qu’elles évitaient donc d’embaucher.

La même étude indique les cinq principaux problèmes auxquels sont confrontés les fondateur.trice.s LGBT+ : le financement, le mentorat, la discrimination lors de l’acquisition de fournisseurs et de nouveaux clients, la difficulté à se constituer un réseau dans leur secteur et, comme mentionné ci-dessus, la croissance de leur entreprise. Le financement est de loin la principale difficulté rencontrée par cette communauté, 70 % des personnes interrogées déclarent n’avoir jamais entendu parler de programmes de financement spécialisés pour les entreprises appartenant à des personnes LGBT+, malgré le besoin évident de tels programmes. En fait, seuls 25 % ont été en mesure de nommer un seul programme de financement spécialisé pour ces communautés et seuls 13 % ont réussi à obtenir un financement. Nous en déduisons qu’il y a à la fois un manque de ressources financières suffisantes pour les entreprises appartenant aux personnes LGBT+ et un manque général de connaissances sur les options offertes dans l’écosystème des entreprises au Canada.

Une action concrète s’impose dès maintenant

Les plus de 100 000 entreprises appartenant à des personnes LGBT+ partout au pays représentent une activité économique de 22 milliards de dollars et emploient plus de 435 000 Canadiens et Canadiennes. Dans le paysage canadien des entreprises en démarrage, il est clair que les entreprises appartenant à des fondateur.trice.s LGBT+ repoussent continuellement les limites, en proposant des idées incroyables, une qualité indiscutable et une innovation inspirante. Les organisations d’entrepreneur.e.s LGBT+ et celles qu’elles soutiennent ne manquent pas de passion et de dévouement, mais les problèmes de capacité débilitante résultant d’un financement insuffisant et à court terme ne sont que trop courants. Il est vital pour l’écosystème de soutien aux entreprises en démarrage de se rassembler et de travailler pour créer un changement réel et tangible pour ces communautés de fondateur.trice.s et lutter pour une véritable inclusion économique au Canada aujourd’hui.

Nous, la CGLCC et Startup Canada, appelons les grands intervenants de l’écosystème, dotés de ressources, à reconnaître les lacunes qui existent, à les prendre au sérieux et à collaborer avec les fournisseurs de soutien spécialisés – en leur permettant de bénéficier du soutien nécessaire pour développer des ressources de manière indépendante, et avec leur propre expertise. Ensemble, nous pouvons combattre ces inégalités en réaffectant les ressources humaines et financières. Après tout, il ne devrait pas incomber aux nouveaux intervenants disposant de ressources insuffisantes de lancer les dés et d’égaliser le terrain de jeu.

Cet article a également été publié dans le magazine CanadianSME.

À propos de la CGLCC

La Chambre de commerce LGBT+ du Canada (CGLCC) est une organisation nationale sans but lucratif qui représente les plus de 100 000 entreprises canadiennes appartenant à des personnes LGBTQ2+. Son objectif est de créer un changement social positif en renforçant l’autonomie économique des communautés LGBT+ par l’entrepreneuriat. La CGLCC travaille à la création d’une économie véritablement inclusive à laquelle chaque entreprise et chaque entrepreneur.e LGBT+ a accès et a la possibilité de participer activement.

À propos de Startup Canada

Startup Canada est la porte d’entrée de l’écosystème entrepreneurial du Canada qui vous oriente dans la bonne direction, élimine les obstacles et défend vos besoins auprès des partenaires des secteurs privé et public. Nous vous mettons en relation avec des organisations de soutien et des pairs dans tout le pays, qui disposent d’une expertise sectorielle, d’une connaissance de la région et d’un financement pour vous aider à créer et à développer des entreprises prospères.